Les retards d'Ariane 6 ont provoqué en 2023 des pertes chez ArianeGroup !



Les temps sont durs pour ArianeGroup. La filiale d'Airbus et Safran, qui a stabilisé son chiffre d'affaires en 2023 (2,3 milliards d'euros), a perdu 26 millions d'euros l'an dernier.


En dépit des retards d'Ariane 6 (quatre ans au total), ArianeGroup a une nouvelle fois fait le dos rond lors de son dernier exercice. En 2023, la filiale d'Airbus et de Safran a réalisé un chiffre d'affaires de 2,29 milliards d'euros, stable par rapport à celui de 2022 (2,35 milliards). Loin pourtant des chiffres d'affaires des années 2018 et 2019 quand il s'élevait respectivement à 3,5 milliards et 3 milliards d'euros. Mais c'était un autre temps, celui d'avant le Covid-19 en 2020, celui d'avant la guerre en Ukraine en février 2022 qui a provoqué l'arrêt des lancements de Soyouz au Centre spatial guyanais (CSG) et, enfin, celui d'avant la multiplication des retards du futur lanceur lourd européen. Le premier vol d'Ariane 6, actuellement en phase d'intégration à Kourou, est programmé dans une fenêtre comprise entre mi-juin et le 31 juillet prochain. Et si tout se passe bien, le deuxième tir devrait intervenir six mois après le premier. Sur le plan financier, ArianeGroup a souffert même si la filiale d'Airbus et Safran s'en remettra. Selon nos informations, elle a perdu 26 millions d'euros en 2023, contre un profit de 89 millions en 2022. En outre, le constructeur des lanceurs lourds européens a enregistré une perte opérationnelle courante de 32 millions d'euros (contre un résultat opérationnel de 19 millions en 2022). Par ailleurs, il a définitivement réglé le dossier des acomptes des clients, dont les satellites devaient être lancés par le lanceur russe Soyouz. Des accords ont été conclus avec tous les clients. C'est finalement grâce à la défense, notamment la dissuasion (missile M51) qu'ArianeGroup, s'est montré aussi résiliente. L'entreprise réalise actuellement environ 60 % de son activité dans la défense.


Ariane 6 : un modèle basé sur 9 lancements par an

« Le modèle économique d'Ariane 6 bâti par l'Agence spatiale européenne (ESA) est fondé sur neuf lancements par an », a confié le président exécutif d'ArianeGroup, Martin Sion, lors d'une rencontre le 7 mars avec les journalistes de l'AJPAE (Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace). C'est une surprise surtout au regard du marché dynamique (cf. SpaceX). La filière estimait d'ailleurs possible dix à douze lancements par an en rythme de croisière pour Ariane 6, qui a déjà 28 vols dans son carnet de commandes. C'est ce modèle proposé par l'ESA, a-t’il précisé, qui a conduit, non sans mal, à un accord à la conférence de Séville. A cette condition, les États membres de l'Agence spatiale se sont engagés à soutenir l'exploitation d'Ariane 6 entre le 16e et le 42e vol à hauteur de 340 millions d'euros par an. Pour autant, Martin Sion n'a pas renoncé à pousser les murs. « On fera peut- être dix lancements par an certaines années. Je ne vais pas non plus renoncer à monter à onze ou douze lancements par an, a d'ailleurs averti le patron du constructeur d'Ariane 6. Je ne demande pas mieux à ce qu'il y ait dans 10 ans des lancements à un rythme beaucoup plus élevé mais il y aura des investissements à faire ». Et de prévenir que « s'il y a des investissements supplémentaires à réaliser, il faut qu'ils soient rentabilisés ». Tout l'enjeu d'ArianeGroup sera de trouver un équilibre dans ce modèle d'exploitation imposé.
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D'autant que l'entreprise ne fait que la moitié d'Ariane 6. Martin Sion devra donc convaincre ses fournisseurs, dont certains sont ses concurrents directs (dont notamment Avio), de contenir leurs prix.

Baisse du prix d'Ariane 6

cLa baisse des prix de 11% des lanceurs sera donc un enjeu supplémentaire pour ArianeGroup, qui s'y est engagé à Séville, au moment où la filière doit également assurer la montée en cadence de la production d'Ariane 6. « Cela suppose que les industriels fassent des efforts en termes de baisse de leurs prix », a insisté jeudi dernier Martin Sion. Pas facile car ArianeGroup en tant que maître d'oeuvre des lanceurs Ariane 6, doit piloter et coordonner un réseau industriel regroupant plus de 600 sociétés dans 12 pays européens. « On est dans le même bateau. On a un programme qui s'appelle Ariane 6. On a tous intérêt à ce que le programme soit un succès », a-t-il martelé. En ce moment, ArianeGroup travaille d'arrache-pied avec ses fournisseurs à réduire les coûts sur l'ensemble de la chaîne industrielle. « Notre travail est de trouver comment ensemble on peut baisser les coûts », a-t-il précisé. Pour y parvenir, l'entreprise utilise des leviers classiques : optimisation des processus de production, réduction des cycles et de la non-qualité. Une majorité des sous-traitants d'ArianeGroup ont déjà fait «une bonne partie du chemin», a souligné le président exécutif d'ArianeGroup. L'objectif de Martin Sion est de parvenir «à conclure le plus rapidement possible», que ce soit «plutôt une affaire de semaines que de mois» pour converger et parvenir à trouver un accord global.


source : la tribune