Le premier vol du lanceur européen est prévu le 9 juillet. Malgré un succès commercial, ArianeGroup étudie déjà des évolutions pour suivre des concurrents tel SpaceX.
Il aura fallu neuf ans de développement, 4 milliards d’euros d’investissement (dont 56 % financés par la France) et pas mal de maux de tête chez le maître d’oeuvre ArianeGroup, ses sous-traitants et les agences spatiales. Mais le dénouement est proche : avec quatre ans de retard sur le calendrier initial, le nouveau lanceur européen Ariane 6 doit décoller le 9 juillet de Kourou (Guyane) pour son premier vol. En cas de succès, un deuxième vol pourrait avoir lieu en fin d’année pour mettre sur orbite le satellite espion CSO-3 de l’armée française.
Le nouveau lanceur lourd sera-t-il compétitif ? « Ariane 6 répond parfaitementau marché, assurait Philippe Baptiste, président du Cnes, l’agence spatiale française, le 1er juillet lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace. Les clients font la queue chez Arianespace pour commander des lancements. » La fusée européenne doit effectuer 18 tirs pour la constellation Kuiper du géant Amazon, puis pour les opérateurs satellites Eutelsat, Intelsat et pour la constellation européenneGalileo.
L’Agence spatiale européenne (ESA) prévoit six mises sur orbite en 2025, huit en 2026, et une dizaine par an en vitesse de croisière.
L’Europe spatiale aurait pourtant tort de relâcher son effort. La concurrence est impitoyable : le 27 juin, l’opérateur européen Eumetsat a annulé un lancement prévu sur Ariane 6, passant sur le Falcon 9 de SpaceX. Le groupe d’Elon Musk teste actuellement sa fusée géante 100 % réutilisable Starship, qui devrait encore casser les prix. De son côté, le lanceur lourd New Glenn de Jeff Bezos doit voler pour la première fois à l’automne. Quant à Vulcan, la fusée d’ULA (joint-venture Boeing-Lockheed Martin), elle a effectué son vol inaugural le 8 janvier.
Dessinée en 2014 et non réutilisable, Ariane 6 va donc probablement devoir évoluer rapidement pour rester compétitive. Les industriels et l’ESA travaillentsur une version plus puissante, dite Ariane 6 Block 2, pour fin 2025, qui affichera une capacité d’emport supérieure de 20 %. L’Europe spatiale envisage également un étage supérieur plus léger, en fibre de carbone, baptisé Icarus.
A plus long terme, ArianeGroup travaille déjà sur la succession d’Ariane 6, avec le développement d’un moteur réutilisable et à très bas coût, Prometheus, imprimé à 70 % en 3D. « Il pourra à la fois propulser des minilanceurs et unéventuel lanceur lourd réutilisable », souligne Antonin Ferri, directeur des programmes futurs pour Ariane-Group. Mais vu l’inertie inhérente aux programmes européens, une entrée en service de cette Ariane Next paraît difficilement envisageable avant les années 2030.
Source : Challenges