Ariane 6 enfin parée au décollage



Retrouver les étoiles pour mettre fin à la crise et exister face à SpaceX : l’Europe s’apprête à lancer pour la première fois la fusée Ariane 6.

Le 9 juillet à partir de 15 heures, l’Agence spatiale européenne (ESA) doit effectuer le tir inaugural du lanceur lourd depuis le centre spatial guyanais, à Kourou. Une « répétition humide » fin juin, opération au cours de laquelle toutes les procédures jusqu’au moment d’allumer les moteurs de la fusée sur son pas de tir, a permis de lever les dernières inconnues.

« Ça s’est très bien passé comme une horloge suisse , confie Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l’ESA, il n’y a pas de point critique qui mette en question la date de lancement. »

Chacune des étapes préparatoires menant à ce vol inaugural a été scrutée à la loupe ces derniers mois par les acteurs de l’Europe spatiale, tant les quatre ans de retard d’un programme qui a coûté 4,5 milliards d’euros ont mis en lumière la fragilité européenne.

Un carnet de vol déjà bien rempli

Depuis le dernier vol d’Ariane 5 il y a un an, les Européens ne peuvent plus mettre en orbite par eux-mêmes un satellite : depuis l’invasion de l’Ukraine, ils n’ont plus accès au lanceur moyen russe Soyouz, tiré pendant dix ans depuis la Guyane, et la fusée Vega-C est clouée au sol depuis fin 2022 après un accident.

« Tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné » , se désole le patron de l’ESA, Joseph Aschbacher. C’est pourquoi « Ariane 6 est cruciale pour l’Europe, qui doit absolument disposer d’un accès indépendant à l’espace » , selon lui. Pas question de passer à côté d’une économie spatiale florissante ou de ne pas être libre de son action dans un contexte de tensions géopolitiques. Décidée en 2014, Ariane 6 pourra aussi bien placer des satellites en orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude, comme sa prédécesseure Ariane 5, que mettre en orbite des constellations à quelques centaines de kilomètres de la Terre.

« Ariane 6 est cruciale pour l’Europe, qui doit absolument disposer d’un accès indépendant à l’espace » Joseph Aschbacher

Pour cela, l’étage supérieur de la fusée dispose du moteur Vinci, rallumable afin de déposer les satellites à divers endroits avant de retomber dans le Pacifique pour éviter de laisser davantage de débris en orbite.

Si le lanceur a d’ores et déjà été « qualifié » au sol, le vol inaugural est « une démonstration que tous nos modèles thermiques, mécaniques, etc. fonctionnent », explique Toni Tolker-Nielsen. La fusée emportera 18 « passagers », des micro-satellites d’universités et des expériences scientifiques.

« Ce premier vol, c’est un moment important pour nous tous, ce n’est pas simplement l’aboutissement des efforts de développement, mais aussi le début de la phase d’exploitation », pointe Franck Huiban, directeur des programmes civils d’Arianegroup.

« Ariane 5 a été conçue pour aller jusqu’à 7 lancements par an alors qu’Ariane 6 l’a été pour permettre 12 lancements par an, avec un premier palier à 9 lancements » annuels, rappelle Franck Huiban. Loin de l’Américain SpaceX qui a lancé 14 Falcon 9 au seul mois de mai. Pas de quoi être profitable : les États membres de l’ESA ont consenti à verser jusqu’à 340 millions d’euros annuels pour assurer son modèle économique du 16 e au 42 e vol en contrepartie d’une baisse des coûts de 11 % de la part des industriels.

Les 15 premiers vols sont déjà financés. Le carnet de vol est pourtant déjà bien rempli avec 30 missions, dont 18 pour déployer la constellation Kuiper d’Amazon.

Quelques jours avant le lancement, l’opérateur des satellites météo européens, Eumetsat, a toutefois annulé un lancement prévu sur Ariane 6 au profit de SpaceX, citant sans les préciser des « circonstances exceptionnelles » , faisant fi du principe de préférence européenne.

 


Source : L'union