IRES: Le travail et l’emploi à l’épreuve de l’IA : Etat des lieux et analyse critique de la littérature

24 juillet 2024


Le travail et l’emploi à l’épreuve de l’IA : Etat des lieux et analyse critique de la littérature

Ce rapport propose une analyse critique et empirique des promesses et craintes associées aux transformations du travail et de l’emploi liées à l’IA. Il propose un cadrage de ce que l’on appelle Intelligence Artificielle, de ses limites techniques (par exemple opacité) et le revers de ses promesses (par exemple mirage de la collaboration humain-technologie).

Nous montrons que les approches économiques dominantes qui évaluent les conséquences des IA sur l’emploi prennent appui sur un modèle de la production où les choix d’organisation du travail ne sont pas considérés et sur un modèle du travail pensé comme une liste de tâches éloignée du réel du travail. Dans ce cadre, les IA viennent automatiser les tâches existantes avec des effets destructeurs sur l’emploi, et certains de ces effets sont invisibilisés (délocalisation, sous-traitance, départs naturels, réduction des effectifs déjà engagée).

Par ailleurs, les travaux sur la régulation de l’IA soulignent la nécessité de penser une régulation d’ensemble pour pallier les incohérences et les lacunes des instruments juridiques actuels. De fait, malgré un nombre croissant de publications portant sur l’IA, les travaux font relativement peu de place aux évolutions du travail et de l’emploi en lien avec l’IA dans le cadre d’approches systémiques et situées. Beaucoup d’études restent expérimentales, et elles s’inscrivent encore trop dans une approche déterministe de la technologie qui néglige le rôle des choix organisationnels, de la conduite de projet, et de la place des activités et de l’expérience des professionnels qui ont pourtant un rôle central dans le développement des usages de l’IA. Enfin, beaucoup de publications sont consacrées uniquement à certains secteurs professionnels (par exemple la médecine) ou fonctionnalités d’IA emblématiques (par exemple, aide au diagnostic ou recherche et traitement d’informations, génération de contenu).

Du côté des transformations du travail, les travaux peignent un tableau nuancé des apports réels de l’IA – ses transformations sont dépendantes des choix organisationnels et si les études expérimentales montrent des bénéfices sur la performance, ces résultats restent dépendants de l’expertise des professionnels et cantonnés à certaines tâches (par exemple les tâches de diagnostic ou de recherche d’informations). Il existe des effets négatifs de l’IA dans certains contextes réels de travail (par exemple charge de travail accrue, sens du travail affecté, entrave à la coopération et au développement de l’expérience professionnelle) et l’opacité des systèmes d’IA fait peser un risque pour la fiabilité des actions réalisées avec une IA. Par ailleurs, une place résiduelle est accordée aux professionnels et à leurs expériences dans la conduite de projets, qui sont de fait insuffisamment pensées, et la possibilité de réguler les conséquences des SIA sur le travail et l’emploi dépend beaucoup du modèle de relations professionnelles.

Forts de cette analyse, nous recommandons de développer 4 piliers pour un usage soutenable de l’IA dans la sphère professionnelle : (1) la capacité d’apprentissage des organisations, (2) un dialogue social renouvelé, (3) des conduites de projet donnant une valeur à l’activité et l’expérience des professionnels et (4) la documentation d’expérimentations en situation réelle.

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